Salon rouge

La demeure de Guillaume Dubufe

Atelier gris
Dubufe dans son atelier, par Edmond Benard, 1880-1910 © INHA

Dubufe et son hôtel particulier

Issu d’une dynastie d’artistes, dont le père Edouard et le grand-père, Claude-Marie, ont acquis une grande notoriété de portraitistes au fil du siècle, Guillaume Dubufe (1853-1909) se détourne de la tradition familiale pour se lancer dans la grande décoration. Il a ainsi réalisé plusieurs décors monumentaux importants comme certains plafonds du buffet de la gare de Lyon, de la bibliothèque de la Sorbonne et du foyer de la Comédie française, ou encore de la salle des fêtes de l’Élysée.

En 1878, il achète au peintre Roger Jourdain (1845-1918) « un rez-de-chaussée et deux étages sous comble ». Son architecte, Nicolas Félix Escalier (1843-1920), est aussi celui de l’hôtel particulier de l’actrice Sarah Bernhardt, situé rue Fortuny. À l’époque de son installation avenue de Villiers, la cote de Guillaume Dubufe est au plus haut : il est médaillé successivement aux salons des artistes français de 1877 et de 1878 (3e et seconde médaille) ; en 1889, c'est la consécration avec la médaille d'or au Salon et la légion d'honneur dont il est fait chevalier à l’issue de l'exposition universelle.

 

Moucharabiehs
Les moucharabiehs © Caroline Gaume

Un décor éclectique

À la fois lieu de réception, lieu domestique et lieu de création, l’hôtel particulier permet à Dubufe de mettre en scène ses œuvres et ses collections dans un cadre témoignant également de son savoir-faire de décorateur d’intérieur et de son goût. C'est donc lui-même qui se charge de décorer sa maison et de faire couvrir le jardin pour en faire un jardin d’hiver. Le mélange des styles et des références à des époques et à des civilisations diverses (Renaissance française, Empire ottoman, Andalousie, Afrique du nord, Chine...) est caractéristique du goût éclectique de l’époque. Ainsi, au rez-de-chaussée, la salle à manger de l’hôtel particulier avait une cheminée de style « chinois » et un décor de carreaux anciens bleu et blanc en faïence de Delft, et on sait que le reste du décor, aujourd’hui disparu, était dans un style oriental avec des panneaux de bois et de nacre, des plats au décor bleu en porcelaine de Chine, deux consoles supportant des cigognes en bronze et des rideaux en soie jaune. Dans le salon au plafond « néo-Renaissance », on trouvait un canapé recouvert de soierie jaune et une quinzaine de fauteuils et chaises de styles divers allant du fauteuil Louis XIII à la chaise longue en bambou. On y voyait aussi bien des vases en porcelaine du Japon que des peintures anciennes. Dans tout l’hôtel particulier étaient accumulés sur les murs des peintures, dessins, porcelaines et textiles.

 

Detail de la frise du patio
Détail de la frise peinte du patio © musée Henner

Une ambiance orientale

En 1889, une nouvelle campagne de travaux permet notamment la création d’un nouvel atelier au troisième étage, celui du premier étage étant réaménagé en chambre à l’orientale, décorée de tapis appliqués au plafond et de moucharabiehs égyptiens provenant de la collection Goupil. En 1894, la Grande Dame, revue de l’élégance et des arts, décrit ainsi ce qui était la chambre de madame Dubufe : « Quand on pénètre dans cette chambre, la première impression est étrange. On croit entrer dans une mosquée arabe. Comme ligne et comme couleur, c'est du pur Orient. Trois arcades blanches – comme on en trouve dans les maisons mauresques – et du cintre desquelles tombent de petites lampes en verre émaillé – séparent du reste de la chambre une sorte de retrait, recevant le lit très bas, recouvert d’étoffes comme on n’en rencontre qu’au Caire, à Constantinople et à Damas – et encore dans les très bons endroits, inaccessibles aux caravanes des voyageurs vulgaires... »

 

Henner et Dubufe
Pierre Petit, photographies de Henner et Dubufe dans l'album Félix Potin
© musée Henner

Henner et Dubufe

Jean-Jacques Henner habitait rue La Bruyère et avait son atelier 11 place Pigalle. Si Dubufe menait grand train et animait chez lui nombre de soirées mondaines, Henner, vieux garçon, recevait peu ; en revanche, il sortait très fréquemment – l’étude de ses agendas en atteste –, soit chez des amis, soit au restaurant avec les différents cercles dont il faisait partie, comme celui des « Caldarrosti » (anciens élèves de Rome) ou de « l’Alsace à table »... C’est dans son atelier de la Place Pigalle qu’il accueillait volontiers ses amis et ses admirateurs.
Sans être des intimes, les deux peintres se connaissaient et Henner était parfois invité à dîner chez Dubufe au 43 avenue de Villiers.

 

 

 

 

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